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Le financement délicat de l’immobilier industriel face aux droits de douane

16 juin 2025 5 Minute Read

Manish Jain - Industrial Financing Amid Tariff Uncertainty Is Tricky Business

Qualifier d’instable la situation entourant les droits de douane imposés par Donald Trump relève de l’euphémisme.

Cette volatilité a compliqué le financement et la finalisation des transactions immobilières commerciales dans le secteur industriel. Toutefois, selon Manish Jain de CBRE, l’évolution s’avère jusqu’à présent plus favorable pour le Canada que ce que la majorité anticipait début février, lors de l’annonce initiale des droits de douane.

« Nous nous trouvons dans une position bien plus avantageuse qu’à cette époque », souligne Manish Jain, membre de CBRE Capital, dont l’équipe se spécialise dans le financement immobilier commercial destiné aux investisseurs privés et aux promoteurs. Son groupe s’est bâti une réputation en obtenant des résultats probants pour sa clientèle dans des contextes complexes et ardus.

Les droits de douane s’inscrivent assurément dans cette catégorie de défis complexes et ardus. Début février, le Canada faisait face à des droits de douane de 25 % sur l’ensemble de ses produits. Les Canadiens devaient également composer avec l’incertitude liée aux élections fédérales, tandis que l’on évoquait des dommages économiques catastrophiques.

« Parallèlement, le reste de la planète semblait baigner dans un optimisme démesuré, précise Manish. L’indice S&P 500 frôlait son sommet historique et l’accent portait sur la déréglementation ainsi que la croissance. »

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Pas si dramatique après tout?

En avançant rapidement jusqu’au 1er juin, le tableau diffère complétement : la situation s’avère meilleure que prévu pour le Canada, alors que le reste du monde se retrouve pris dans l’étau des droits de douane et de l’incertitude économique.

Le Canada dispose d’un nouveau premier ministre et de la possibilité de négocier un accord tarifaire équitable. Le pays subit actuellement des droits de douane sur l’acier et l’aluminium, mais ceux-ci demeurent inférieurs aux annonces initiales, et les produits conformes à l’ACEUM en sont dispensés, notamment les pièces automobiles, cruciales pour les manufacturiers ontariens.

Par ailleurs, le gouvernement ontarien a dévoilé un programme de soutien ciblé de 10 milliards de dollars destiné aux industries et aux travailleurs touchés par les droits de douane, note Manish. « Les droits de douane ne sont donc pas inexistants, mais ils s’avèrent plus gérables que nos craintes initiales. Entre-temps, le reste du monde fait maintenant face à des droits de douane de base de 10 %. »

En examinant l’évolution des perspectives tarifaires au cours des derniers mois, la position du Canada s’est considérablement améliorée, tandis que celle du reste du monde s’est nettement dégradée.

Face à la volatilité des marchés boursiers, « les investisseurs se recentrent sur la valeur et la stabilité, indique Manish. En considérant le Canada et l’immobilier commercial dans cette optique, nous paraissons beaucoup plus stables et les avantages d’un rendement constant ressortent clairement dans un tel environnement. »

« Le Canada est passé d’une situation très alarmante à un contexte quelque peu incertain au cours de ces 90 jours, pendant que le reste du monde basculait d’un optimisme prononcé vers une situation très préoccupante. »

Prudence sans panique

Les grands utilisateurs immobiliers industriels « réfléchissent sérieusement à leurs intentions dans le contexte actuel d’incertitude », observe Manish.

« En prévision de droits de douane paralysants, ils ont envisagé le pire scénario possible. Ils ont évalué les conséquences des droits de douane et des risques de récession sur leurs activités et progressent maintenant en tenant compte de tous ces éléments. »

Certains choisiront l’attentisme, tandis que d’autres prendront des mesures immobilières, ajoute Manish. Les droits de douane pourraient même procurer certains avantages au Canada. « Plusieurs de nos importants clients américains nous ont signalé qu’ils pourraient opter pour décharger 100 % de leurs marchandises au Canada, puis déterminer quels produits importer aux États-Unis. »

Manish constate que les prêteurs immobiliers commerciaux cherchent à saisir les répercussions des droits de douane sur chaque transaction. « Mais s’ils parviennent à cerner ce risque, ils demeurent tout à fait disposés à prêter. Et l’incertitude a effectivement provoqué une baisse des taux obligataires canadiens. »
« Cela signifie des conditions de prêt plus rigoureuses, mais des taux plus avantageux qu’auparavant. Les prêteurs restent ouverts aux affaires et disposent de capitaux importants à investir dans des transactions industrielles de qualité. »

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Les capitaux recherchent la stabilité

Lorsque le marché traverse une période volatile et enregistre des pertes, Manish affirme que « cela met en relief l’importance de rechercher la stabilité dans des rendements sûrs et constants. Le Canada semble donc stable comparativement à d’autres pays, et dans le secteur immobilier commercial, des rendements plus faibles, mais plus sécurisés paraissent plus attrayants ».

Il souligne que son équipe a vu deux transactions industrielles d’envergure approuvées pendant la période d’incertitude tarifaire qui a culminé en février-mars.
La première transaction constituait une opération de transition de 35 millions de dollars pour un immeuble industriel plus ancien. « Il s’agit d’une transaction approuvée alors que nous étions en pleine discussion concernant les droits de douane de 25 %, relate Manish. La situation s’avère bien meilleure aujourd’hui qu’à cette époque et le financement se déroule plus aisément. »

Dans le contexte d’incertitude qui prévalait alors, Manish dit avoir eu des échanges francs avec le prêteur concernant la nature des activités du locataire et l’impact potentiel des droits de douane ou d’une éventuelle récession. « Ultimement, le prêteur s’est montré satisfait de la qualité de l’actif et de la capacité du locataire à traverser ces difficultés. »

« Nous constatons donc que les prêteurs manifestent des préoccupations, mais qu’ils posent des questions pertinentes sans prendre la fuite. Les choses progressent avec davantage de prudence, mais les capitaux continuent de circuler. »

La deuxième transaction de Manish concernait un nouveau projet industriel de 265 000 pieds carrés dans la région du Grand Toronto.

« L’aspect intéressant réside dans le fait qu’il s’agit d’une transaction spéculative, sans prélocation, détaille-t-il. Elle a été soumise à approbation alors que nous nous interrogions sur l’application éventuelle des droits de douane de 25 %. Elle a néanmoins été approuvée telle que proposée, sur une base spéculative, avec seulement quelques légers ajustements de prix, qui seront annulés une fois les prélocations amorcées. »

« C’est l’extrême opposé : une nouvelle construction sans prélocation, poursuit-il, et le prêteur a su reconnaître que, compte tenu du délai nécessaire pour édifier un bâtiment industriel (un à deux ans), les droits de douane actuels ne posent pas réellement problème. »

« Ils raisonnent à l’horizon de deux ans, moment où tout cela pourrait bien n’être que du bruit de fond. »

Entre-temps, l’incertitude économique et tarifaire génère des possibilités pour les prêteurs relais et les capitaux plus créatifs qui peuvent remporter des contrats grâce à leur effet de levier et à leur rapidité d’exécution.

« Si un contrat subit davantage les effets des droits de douane ou du ralentissement économique, les propriétaires auraient peut-être intérêt à privilégier une solution flexible, avec uniquement des intérêts, jusqu’à ce que l’incertitude se dissipe, conclut Manish. La bonne nouvelle réside dans l’existence de plusieurs options. »

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