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Le zonage d’inclusion à Toronto : nouvelle réalité ou pierre d’achoppement?

24 février 2022 4 Minute Read

Inclusionary Zoning in Toronto: Game Changer or Deal Breaker?

Le Groupe d’étude sur le logement abordable du gouvernement de l’Ontario a récemment publié un plan pour accroître l’offre de logements dans l’ensemble de cette province.

Le zonage d’inclusion est un outil que Toronto et d’autres villes commencent à utiliser. Il oblige à construire des logements abordables dans le cadre des nouveaux projets d’aménagement résidentiel. Or, cette nouvelle réalité pourrait aussi être une pierre d’achoppement pour bien des promoteurs.

Les observateurs du marché laissent entendre qu’il se pourrait qu’on doive redresser les prix des terrains à aménager. Pourtant, de nombreux facteurs entrent en ligne de compte.

Directeur au sein du groupe Évaluation et services-conseils de CBRE, Grant Chernenkoff dirige, avec Vid Stambolovic, la pratique de la valorisation foncière. Spécialisé depuis plus de 15 ans dans l’immobilier, la finance et le domaine foncier à aménager, il a récemment expliqué les incidences du zonage d’inclusion sur les prévisions financières des promoteurs, les moyens grâce auxquels ces derniers pourraient répondre aux besoins en logements abordables et l’effet qu’aura le zonage d’inclusion sur la valorisation du domaine foncier.

Quel impact les politiques sur le zonage d’inclusion (« ZI ») auront-elles sur les valeurs des terrains à bâtir?

Puisque les cas d’espèce ne sont pas nombreux, il est difficile d’en quantifier exactement les effets. Au moment d’écrire ces lignes, on n’avait pas vendu de site potentiel à aménager à un point de prix nettement inférieur à celui auquel on s’attendrait normalement dans la foulée des règlements municipaux sur le ZI. Or, on peut adopter des hypothèses logiques sur ce qui est sur le point de se produire.

Quels sont les facteurs qui déterminent la valeur des terrains à l’heure actuelle?

La valeur des terrains est essentiellement déterminée par ce qu’on peut y construire et par le type d’aménagement autorisé sur les sites. Les immeubles et les aménagements ne sont pas tous sur un pied d’égalité du point de vue de la rentabilité. On peut dire que la rentabilité correspond à une différence satisfaisante, pour le promoteur immobilier, entre les revenus et les coûts. Certains vont même jusqu’à remettre en cause la nécessité du profit. Or, les promoteurs prennent des risques énormes et consacrent beaucoup d’efforts à la construction de logements neufs. Sans profit, les entreprises privées ne construiraient probablement pas de logements. 

Les économies sur les coûts des logements abordables permettront elles de préserver la rentabilité et les valeurs foncières?

Les coûts de construction invariables sont relativement les mêmes pour les logements à loyer du marché comme pour les logements abordables. Les experts conseils dans le calcul des coûts nous apprennent que les composants des logements abordables ne sont pas vraiment actualisés par rapport aux composants à loyer du marché pour une superficie comparable. Si la qualité de la finition est parfois légèrement inférieure, l’impact, dans l’ensemble, sur un budget de construction est plutôt limité, et les économies potentielles sur les coûts sont effacées par la réduction globale des revenus potentiels apportés par le composant des logements abordables.


« La pression s’exercera probablement sur les valeurs foncières. Il s’agit de la seule voie de sortie pour les promoteurs qui voudront dégager des rendements satisfaisants pour le risque qu’ils courent dans la construction résidentielle. »
-Grant Chernenkoff

Quelles seront les répercussions de ce nouveau calcul sur les promoteurs?

Il y aura une moins grande marge de manœuvre dans les prévisions financières des projets d’aménagement, puisque les revenus baisseront et que les coûts augmenteront. Il reste donc trois « voies de sortie » envisageables pour s’assurer que la construction résidentielle reste viable dans le cadre du zonage d’inclusion :

  • des prix supérieurs pour la tranche du projet réalisée au taux du marché;
  • des marges de profit satisfaisantes, mais moindres pour les promoteurs;
  • une baisse des coûts des projets dans l’ensemble.

Quelle est la voie que préféreront suivre la plupart des promoteurs?

Dans la plupart des cas, les promoteurs préféreront augmenter les prix de vente ou les taux de location pour les autres logements offerts au prix du marché dans les projets d’aménagement, ce qui aura dans l’ensemble l’impact le moins considérable dans le processus d’aménagement. Or, cette préférence suppose que le marché supportera les hausses de prix, et nous savons tous que l’abordabilité des logements est un enjeu pour bien des gens. Sinon, il est difficile de concevoir que les projets d’aménagement iront de l’avant.

Et rajuster les marges bénéficiaires pour diminuer les coûts?

Réduire les marges bénéficiaires est une option. Or, les marges des promoteurs ne sont pas aussi importantes que certains pourraient le croire d’emblée dans les projets d’aménagement de grande densité. Généralement, les marges sont comprises entre 10 % et 15 %. Il n’en faut donc pas beaucoup pour atteindre un point où le promoteur ne sera pas du tout encouragé financièrement à construire des logements.

Et abaisser les coûts des projets dans l’ensemble?

Il faudrait recourir à de nouveaux mécanismes ou incitatifs pour changer considérablement le calcul, puisqu’on ne pourra pas réaliser d’économies dans les travaux de construction. La nouvelle loi sur le ZI ne prévoit pas, à l’heure actuelle, de dispositions pour abaisser les droits comptés par les municipalités pour le volet obligatoire des logements abordables. Il n’y a donc pas d’économies à réaliser dans ce cas.

Que reste-t-il à faire pour réduire les prix?

Il ne reste plus qu’un intrant de coût que l’on pourrait réduire considérablement : le prix du terrain à bâtir.

La voie à suivre consiste donc à faire appel à la fois aux prix du marché, aux marges bénéficiaires et aux valeurs foncières. Or, il paraît probable que la pression s’exercera essentiellement sur les valeurs foncières, puisqu’il s’agit de la seule voie de sortie qui permettra aux promoteurs de maintenir des rendements satisfaisants en fonction du risque qu’ils courent dans la construction résidentielle.

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