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Le secteur des sciences de la vie bénéficie grandement de la Covid-19

17 mars 2021 8 Minute Read

Life Sciences Sector Gets a Big Boost From COVID-19

À peine le monde fut-il plongé au cœur de la première pandémie de l’ère moderne que déjà, la course au vaccin était lancée. La solution est à portée de la main et tous ont hâte d’en profiter.

Jamais le secteur des sciences de la vie n’a suscité autant d’attention, tout comme l’intérêt d’accroître le savoir-faire canadien dans le domaine. Cette dynamique a poussé à l’excès la demande pour les biens immobiliers connexes. Or, la pénurie importante des installations essentielles et la philosophie conservatrice des investissements dans l'immobilier pourraient limiter les aspirations du secteur et les perspectives du vaccin.

Le téléphone de Jeremy Kenemy ne dérougit pas. Basé à Montréal, ce courtier est assailli d’appels de la part de bailleurs et d’investisseurs qui veulent être au fait des investissements possibles dans des installations de laboratoire. Si le secteur des sciences de la vie fourmille d’activité depuis plusieurs années dans la métropole, l’intérêt renouvelé des investisseurs découlant de la pandémie a poussé la demande à l’excès. « La Covid-19 a grandement alimenté cette frénésie », affirme M. Kenemy, chef de l’équipe canadienne des sciences de la vie de CBRE à Montréal.

UNE PLAQUE TOURNANTE DES SCIENCES DE LA VIE

Montréal s’avère le sixième pôle des sciences de la vie et des technologies de la santé en importance en Amérique du Nord, ainsi que le berceau de plus de 650 entreprises dans le domaine. Plus de 10 000 étudiants des sciences de la santé sont diplômés de l'un des onze établissements d'enseignement supérieur, dont McGill, une université de renommée mondiale. Qui plus est, le marché de l’immobilier montréalais est l'un des plus abordables du continent sur le plan des coûts d'exploitation.

« On trouve ici des entreprises locales de pointe dans le secteur de la biotechnologie », ajoute M. Kenemy. La ville est devenue une plaque tournante de la recherche et du développement dans le secteur et cet envol s’est répercuté sur le marché de l’immobilier.

Récemment, M. Kenemy a conclu une transaction portant sur de nouveaux laboratoires d’une superficie de 20 000 pieds carrés. En 2019, il a conclu l’une des plus importantes transactions de l’année pour des locaux du même type sur une superficie de 40 000 pieds carrés. On lui a également confié la location d’un agrandissement spéculatif de 50 000 pieds carrés voué aux activités de laboratoires à partir d’un immeuble existant aménagé sur mesure. Lui et le bailleur ont réussi à trouver preneur pour la plupart des locaux en 18 mois grâce à des baux de laboratoires variés allant de 3 000 pieds carrés à 17 000 pieds carrés.

Alexandria Real Estate Equities, un important acteur américain basé au Maryland, a mis la main sur des bureaux à Laval, en banlieue de Montréal, afin de les convertir en un complexe de laboratoires. Le fait qu’une entreprise étrangère prenne une telle décision révèle la force des talents et du génie au Canada en matière de solutions immobilières locales. « Bien peu d’installations de laboratoire aménagées sont offertes sur le marché », admet M. Kenemy. « J’ai donc conclu beaucoup de transactions où les bailleurs convertissent leurs immeubles pour répondre aux exigences des utilisateurs de laboratoires. »

L’aménagement d’un nouvel immeuble de laboratoires est en cours à Montréal sur plus de 400 000 carrés. « C’est un projet très ambitieux », avance M. Kenemy, « mais le promoteur est conscient de toute la demande qui appuie ce type d’installations à Montréal. Bâtissons-le et les locataires viendront. »

En dépit de ces nouveaux projets, l’offre de locaux de laboratoires pour les sciences de la vie demeure léthargique à Montréal. Or, M. Kenemy veut changer la donne. Il facilite le regroupement d'entreprises entre des propriétaires immobiliers qui ignorent le fonctionnement d'un laboratoire, dont les coûts d'aménagement ou de réaménagement en rebutent plus d'un, et des exploitants de laboratoires qui croissent rapidement, mais ne saisissent pas toujours la dynamique de l’immobilier.

« Nous avons le potentiel pour concrétiser de tels projets. Il faut simplement réunir les parties prenantes », affirme M. Kenemy, « soit quelqu’un qui a accès aux capitaux et qui dispose de l’expérience dans l’aménagement et la gestion des immeubles et un utilisateur exploitant qui comprend la configuration nécessaire aux activités de laboratoire et ce dont les scientifiques ont besoin pour être productifs. Les sciences de la vie sont certes à la fine pointe de la technologie, mais il n’est pas toujours nécessaire de partir de rien. Le réaménagement d’immeubles existants peut ajouter énormément de valeur et attirer des locataires de premier ordre. »

Pour plus d'informations sur McMaster Innovation Park, contactez L'équipe canadienne des sciences de la vie de CBRE



DE NOUVELLES POSSIBILITÉS ÉMERGENT À TORONTO

À Toronto, si les sciences de la vie n'ont pas entraîné la même frénésie immobilière qu'à Montréal, l'intérêt envers ce secteur depuis l'avènement de la COVID-19 est tout aussi grand. « Du jour au lendemain, tout le monde voulait me parler des occasions sur le marché », s'étonne Daniel Lacey, chef de l'équipe canadienne des sciences de la vie de CBRE à Toronto.

Le parc d'innovation McMaster, situé tout près à Hamilton, est une bénédiction pour le secteur. Le campus accueille plus de 100 entreprises dans les secteurs des sciences de la vie, de l'ingénierie et de la fabrication de pointe ainsi que de la haute technologie, dont Fusion Pharma, qui a vu le jour à l'Université McMaster.

Au noyau central de Toronto, les locaux adaptés aux sciences de la vie manquent toutefois à l’appel, exception faite du MaRS Discovery District, toujours occupé au maximum de sa capacité. Qui plus est, aucun aménagement de ce genre ne pointe à l’horizon. C’est l’aversion naturelle au risque des bailleurs et des investisseurs locaux qui expliquerait en grande partie cette lacune.

« La possession de biens immobiliers voués aux sciences de la vie ne convient pas à tous », admet M. Lacey. « Certes, les coûts et les risques sont élevés, mais le jeu en vaut la chandelle. Grâce à l’attention médiatique que suscitent les avancées et la production des vaccins et au nouveau soutien du gouvernement dans le secteur, j’espère qu’on mettra davantage l’accent sur les occasions de croissance que sur les risques déjà bien connus de tous. »

C’est d’ailleurs ainsi qu’il présente la chose aux bailleurs qui le questionnent sur le potentiel des sciences de la vie. « Je joue franc jeu. Je leur offre une vue d’ensemble en leur disant qu’à l’issue de cette discussion, ils ne seront pas totalement convaincus. La plupart me disent qu’ils y voient une opportunité emballante, mais qu’ils devront ajuster leur seuil. »

Quelle est la nouvelle méthode de calcul? Les coûts d’aménagement des locataires œuvrant dans le secteur doivent être amortis sur une période plus longue que pour des locataires de bureaux traditionnels, ce qui prive potentiellement le bailleur d’un retour immédiat sur son investissement dès le premier locataire. Les nouveaux entrants sur le marché sont donc ceux qui ouvrent la voie et surmontent les plus grands défis, tout en sachant qu’ils en récolteront les fruits. « Normalement, c'est la seconde vague de locataires qui est la plus propice à prolonger un bail sur 20 ans », avance M. Lacey.

Le centre-ville de Toronto offre un bon potentiel pour l’aménagement d’un pôle des sciences de la vie. M. Lacey pense à Bedpan Alley, le segment de University Avenue où se concentrent les hôpitaux et soins de santé connexes de pointe. « Le centre-ville de Toronto a définitivement ce qu'il faut pour qu'un bien immobilier soit mis sur le marché afin d'absorber la demande refoulée pour des laboratoires. »


« La possession de biens immobiliers voués aux sciences de la vie ne convient pas à tous. Les coûts et les risques sont élevés, mais le jeu en vaut la chandelle. »
Daniel Lacey

M. Lacey a également discuté avec des fournisseurs de laboratoires partagés basés aux États-Unis, du type WeWork, mais dans le secteur scientifique, qui démontrent de l’intérêt à exploiter des installations à Toronto. « Ils sont prêts à signer un bail pour des locaux de 25 000 pieds carrés au centre-ville. Je n’ai qu’à leur présenter les bailleurs qui sont prêts à se lancer. Les occasions sont là! » renchérit M. Lacey. Toronto saura-t-elle répondre à l’appel? »

À PLEINE CAPACITÉ

L’entreprise vancouvéroise AbCellera Biologics Inc. a fait les manchettes en décembre dernier lorsqu’elle a annoncé qu’elle travaillait avec le géant pharmaceutique américain Eli Lilly & Co. sur le même type de médicaments qu’a pris le président Donald Trump pour soigner sa Covid-19, soit un anticorps monoclonal.

Kevin Nelson, chef de l’équipe canadienne des sciences de la vie de CBRE à Vancouver, affirme que la nouvelle a renouvelé l’intérêt envers le secteur de la biotechnologie. Mais en ce moment, il a bien peu d’installations de laboratoire à offrir à ses clients.

AbCellera compte bâtir deux immeubles à Vancouver entre le nouveau développement de l’Hôpital Saint-Paul et l’Hôpital général de Vancouver afin de répondre à ses propres exigences. « Autrement, ajoute M. Nelson, le marché des sciences de la vie à Vancouver est saturé. La demande fuse, mais l’offre est inexistante. »

Ce secteur est l’un de ceux qui croissent le plus rapidement en Colombie-Britannique. De 2017 à 2018 seulement, le nombre d’emplois a bondi de 5,6 % à 17 300 postes. Ce dont la région a besoin, c’est d’un promoteur immobilier qui s’engage à bâtir des installations pour soutenir cette croissance en étant persuadé que les locataires seront au rendez-vous au terme du projet.

Tout comme Daniel Lacey et Jeremy Kenemy, Kevin Nelson a dû expliquer aux bailleurs que les biens immobiliers voués aux sciences de la vie fonctionnent différemment.

Les coûts d’aménagement d’un laboratoire sont très élevés alors que les locataires n'offrent pas les meilleures clauses restrictives, ce qui veut dire que le roulement des locataires pourrait être plus important. Mais les propriétaires qui font preuve de patience pourraient bénéficier de gains considérables. « Le marché est vraiment favorable aux bailleurs en ce moment », mentionne M. Nelson. « Les loyers sont majorés de 50 % pour de l’espace adapté aux biotechnologies. Au-delà des impératifs liés à la pandémie, ceux qui envisagent et réalisent des aménagements destinés aux sciences de la vie bénéficient également d’un avantage économique. »

« Mais il faut tenir compte du profil des locataires », prévient-il. « On ne peut pas exiger de voir un traditionnel bilan de 200 millions $ de profits. Ça ne fonctionne pas comme ça en biotechnologie. L’Amérique du Nord ne compte que huit entreprises pharmaceutiques qui sont profitables. La tolérance au risque doit être plus élevée. »

« Les bailleurs ont beaucoup à gagner dans le secteur », conclut M. Nelson. « Mais les sciences de la vie ne sont pas pour les âmes sensibles. » Après tout ce que nous avons traversé au cours de la dernière année, espérons que nous serons assez braves pour jeter les bases d’un secteur dynamique des sciences de la vie afin d’améliorer nos perspectives de santé, pendant et longtemps après la pandémie.

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