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L’essor, le déclin et le potentiel renouvelé du cotravail à Montréal
27 novembre 2024 4 Minute Read

Par un mardi après-midi à l’espace de cotravail du 1010, rue Sainte-Catherine Ouest à Montréal, l’ambiance est studieuse. Un travailleur indépendant tape sur son ordinateur portable, confortablement installé dans un canapé coloré baigné de soleil, tandis qu’un groupe de professionnels en technologie discute du lancement d’une nouvelle application en sirotant du kombucha.
Si les débats sur la mort du bureau traditionnel ont occupé le devant de la scène, la question du cotravail et des bureaux flexibles est restée quelque peu en retrait. À Montréal pourtant, ce secteur a connu une évolution significative et affiche des perspectives particulièrement prometteuses.
L’évolution du cotravail à Montréal
« Le secteur du cotravail est en constante mutation, explique Nari Aznavour, spécialiste de la location de bureaux à CBRE Montréal, qui a longtemps supervisé la location chez WeWork. Mais cette dynamique n’est pas nouvelle. Le changement, la flexibilité et l’adaptabilité ont toujours été les maîtres-mots de notre industrie. »
À l’origine, le cotravail s’est imposé comme une solution idéale pour les entreprises en démarrage et les petites entreprises, leur évitant de s’engager dans des baux à long terme coûteux et d’investir massivement dans l’aménagement de bureaux.
Progressivement, la formule des baux flexibles à court terme et la modularité des environnements ont séduit de plus grandes entreprises, comme Cossette et Novartis, qui ont adopté le cotravail soit pour établir des bureaux satellites sur de nouveaux marchés, soit comme solution temporaire pour accompagner leur croissance.
Le secteur du cotravail a toutefois connu un revers majeur fin 2023 avec le dépôt de bilan de WeWork, qui gérait à son apogée 777 sites dans 39 pays, soulevant des interrogations sur la pérennité même du concept.
Un nouveau modèle
À la suite de sa faillite, WeWork a entrepris une restructuration globale, réduisant ses coûts opérationnels, renégociant ses baux à l’échelle mondiale et restituant certains biens aux propriétaires. À Montréal, l’entreprise a notamment libéré deux étages au 1010, rue Sainte-Catherine Ouest, remettant ainsi 60 000 pi² sur le marché.
IWG, ancien concurrent de WeWork et propriétaire des marques de bureaux flexibles Regus, Spaces, HQ et Signature, a adopté un nouveau modèle d’affaires basé sur des partenariats avec des investisseurs, se positionnant désormais comme simple prestataire de services. WeWork et IWG étendent également leur présence au Canada en s’associant à d’autres opérateurs de cotravail pour offrir à leurs membres l’accès à des sites supplémentaires.
Cette stratégie s’illustre notamment avec le dernier emplacement montréalais de Spaces, rue du Square Victoria, qui s’étend sur plus de 65 000 pi². « Ce modèle est prometteur, à condition que toutes les parties prenantes y trouvent leur compte », souligne Nari.

Des options diversifiées
L’augmentation de l’offre de bureaux au Canada ces dernières années a considérablement élargi l’éventail des possibilités par rapport à l’ère prépandémique.
Certaines entreprises privilégient la sous-location de bureaux meublés, offrant des baux plus courts et des loyers compétitifs sans nécessiter d’investissements majeurs en aménagement. D’autres optent pour la location directe, les propriétaires se montrant plus flexibles dans les négociations, proposant des durées d’engagement réduites ou des clauses de résiliation pour assurer l’occupation de leurs immeubles.
Le secteur du cotravail reste néanmoins dynamique, comme en témoignent les transactions récentes à Montréal. En début d’année, Liam Mayes de CBRE a accompagné Plusgrade, géant de la technologie, dans la recherche d’un lieu temporaire chez iQ Offices, en attendant la livraison de son nouveau siège social à la Maison Alcan.
Récemment, Nari a négocié un contrat pour une société de conseil en technologie avec Regus, et finalisé des accords entre WeWork et une agence de recrutement ainsi qu’une société de gestion d’investissements mondiale. « Nous voyons émerger des contrats de cotravail pour plus de 100 employés, précise-t-elle. La demande s’intensifie, poussant les opérateurs à tirer profit de leurs atouts pour séduire les grands comptes. »
Bien que les tarifs du cotravail dépassent généralement ceux des bureaux traditionnels, ces lieux offrent l’avantage de locaux clés en main, modulables, pouvant accueillir aussi bien des indépendants que des équipes de plusieurs centaines de personnes. « C’est un modèle flexible, particulièrement adapté aux entreprises anticipant des variations rapides d’effectifs », indique Nari.
Le cotravail propose également un environnement de travail partagé complet, dispensant les entreprises de recruter du personnel administratif, de gérer l’approvisionnement en café ou d’aménager de grandes salles de réunion — prestations généralement incluses dans l’offre.
Ces espaces favorisent aussi le réseautage à travers l’organisation d’événements et l’aménagement en aire ouverte. « Les collaborateurs côtoient des professionnels d’horizons variés, précise Nari. C’est un véritable atout lorsqu’ils ont besoin de faire appel à un graphiste, un avocat ou un développeur Web, par exemple. »
Le potentiel des marchés tertiaires
Selon Nari, les marchés tertiaires représentent une occasion majeure pour les opérateurs de cotravail.
« Il existe une réelle demande de milieux de travail flexibles dans les banlieues et les villes moyennes, un créneau jusqu’ici peu exploité par les grands acteurs du secteur, explique-t-elle. Les entreprises familiales peuvent se positionner avantageusement sur ces marchés avec des surfaces de 5 000 à 10 000 pi². »
On observe d’ailleurs que certains opérateurs indépendants s’associent pour harmoniser leurs pratiques et assurer une cohérence de services entre différents marchés. Récemment, ClickSpace, Lauft, Werklab et Cowork Halifax ont ainsi créé un réseau regroupant 11 lieux de travail flexibles à Vancouver, Toronto, Montréal et Halifax.
« L’un des principaux attraits du cotravail réside dans la possibilité d’accéder à des environnements de travail où que l’on soit, affirme Nari. Les opérateurs qui développent des alliances et dépassent les contraintes géographiques consolideront leur position sur le long terme. »
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