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Les remaniements budgétaires menacent l’industrie québécoise des technologies et des médias

27 mai 2024 4 Minute Read

Nathan Stattmiller reclining on sofa

La province de Québec est depuis longtemps une destination privilégiée pour les travailleurs du secteur des technologies.

Dans le classement 2023 Scoring Tech Talent de CBRE, Montréal s’est hissée à la 12e place. Cette position est due à sa création du troisième plus grand nombre d’emplois dans le secteur technologique en Amérique du Nord, avec 51 500 emplois créés entre 2017 et 2022. Par ailleurs, Québec, qui possède le marché des talents technologiques le plus abordable du continent, s’est classée au 35e rang. Depuis 2017, la ville a connu une croissance de 34 % de sa main-d’œuvre dans le secteur technologique.

Mais la croissance de l’emploi dans ce secteur de la province pourrait être confrontée à certains défis, car le budget 2024-2025 du Québec, récemment déposé, prévoit des coupes dans les crédits d’impôt pour la main-d’œuvre et les entreprises du secteur technologique et des médias.

« La technologie et les médias sont des moteurs importants de l’économie québécoise, déclare Nathan Stattmiller, de CBRE Montréal, qui se concentre sur la location de bureaux pour les entreprises de ces secteurs. Ces réductions pourraient avoir un impact considérable sur l’industrie des jeux et des effets spéciaux et modifier la façon dont ces entreprises font des affaires au Québec. »

« Une telle situation aurait des répercussions sur le secteur de l’immobilier commercial et sur l’ensemble de l’économie de la province. »

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Un écosystème mis à rude épreuve

Une des modifications envisagées concerne le montant des crédits d’impôt remboursables alloués aux entreprises multimédias. Ces entreprises incluent celles qui développent des jeux vidéo, des logiciels éducatifs, des films interactifs et des magazines numériques.

L’introduction d’un seuil d’exclusion de 18 056 $ pour 2024 fixerait une limite minimale aux coûts de main-d’œuvre par employé admissible que les entreprises peuvent réclamer en crédits d’impôt. Cette mesure a pour but d’encourager l’embauche de talents plus qualifiés et mieux rémunérés ainsi que d’attirer des profils de haut niveau et les retenir au Québec.

Un crédit d’impôt non remboursable serait mis en place pour la production de titres multimédias, avec un avantage accru pour ceux disponibles en français. Cependant, les crédits d’impôt remboursables actuels seraient progressivement diminués sur une durée de cinq ans.

Une autre proposition de modification introduirait une restriction sur le coût admissible d’un contrat avec un fournisseur de services pour les effets spéciaux et l’animation assistée par ordinateur. En conséquence, seulement 65 % du coût serait considéré pour le calcul du crédit d’impôt de base et de la prime pour effets spéciaux. Cela entraînerait une réduction du montant total des crédits disponibles pour les entreprises spécialisées dans les effets visuels et l’animation.

Toutes les entreprises ne seraient pas touchées de la même manière. Les jeunes entreprises et les entreprises soucieuses de leurs coûts, y compris les entreprises à croissance rapide dans les secteurs des jeux et des effets spéciaux, pourraient être touchées de manière disproportionnée, ce qui pourrait entraîner d’importants licenciements, des réductions de bureaux ou même des délocalisations en dehors de la province.

« Le Québec demeure un marché technologique très attractif en raison de la qualité et du coût de la vie compétitif et du bassin de main-d’œuvre spécialisée et instruite, ce qui rend intéressant le fait d’y opérer, explique Nathan. Toutefois, ce n’est un secret pour personne que des mesures incitatives supplémentaires constituaient une belle cerise sur le gâteau. Leur suppression pourrait amener certaines entreprises à réfléchir davantage avant de déménager ou d’étendre leurs activités dans la province, ce qui pourrait réduire une partie de l’avantage concurrentiel du Québec. »

En plus du secteur technologique, ces changements pourraient également affecter un marché de la location de bureaux déjà confronté à des taux d’inoccupation record. Les secteurs de la technologie et des médias occupent une grande part des bureaux au Québec, avec la technologie représentant 8,3 % de l’emploi total à Montréal et 9,1 % de la main-d’œuvre à Québec. Si les modifications proposées sont mises en œuvre, les effets pourraient avoir des répercussions sur l’ensemble du secteur des bureaux et l’économie en général.

Pour Nathan, « cela risque de mettre à rude épreuve un écosystème déjà bousculé par la pandémie. Le Québec connaît déjà des entraves et ces nouveaux changements pourraient accroître trop fortement le seuil d’entrée pour que certaines entreprises justifient d’y exercer leurs activités ».

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Un avenir incertain

Bien que le nouveau budget n’ait pas encore été mis en œuvre, plusieurs organisations se sont prononcées contre ces changements.

« Nous percevons à travers notre réseau que certaines positions gouvernementales pourraient s’assouplir, mais il est encore trop tôt pour le dire », révèle Nathan.

En attendant, Nathan et son équipe aident leurs clients à préparer le cadre des prochaines étapes possibles en réalisant des études de viabilité et des analyses de la main-d’œuvre et de la localisation. 

« Même les meilleures intentions peuvent avoir des conséquences inattendues, conclut Nathan. Personne ne souhaite perdre des travailleurs, quel que soit le secteur de l’économie, surtout s’il est aussi dynamique que celui-ci. Heureusement, malgré ces changements, le Québec reste une province attrayante pour de nombreux acteurs du secteur technologique. »

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