Article

L’avantage de l’Alberta est mis en doute alors que des niveaux records d’immigration posent des défis pour l’accès au logement.

11 juin 2024 5 Minute Read

Dave Young Greg Kwong and Thomas Chibri discuss Alberta Housing

La province de l’Alberta est victime de son propre succès. Après avoir connu une immigration sans précédent ces dernières années, Calgary et Edmonton sont aujourd’hui aux prises avec une hausse des prix des logements et des loyers des appartements, ainsi qu’avec une diminution constante des taux d’inoccupation des logements multifamiliaux.

« L’Alberta traverse la même crise du logement que le reste du Canada, mais l’afflux récent de personnes dans notre province a accentué les répercussions ici », déclare Greg Kwong, directeur général de CBRE pour la région des Prairies canadiennes.

Pour la seule année 2023, l’Alberta a accueilli un nombre historique de 202 324 nouveaux résidents, soit une croissance démographique de 4,4 %. Ce chiffre inclut un record national de mobilité interprovinciale, avec un gain net de 55 107 personnes venant d’autres provinces, principalement de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.

« Les gens déménagent en Alberta parce que le coût de la vie y est moins élevé, que l’offre d’emplois y est forte. C’est également une province idéale pour élever une famille, explique Greg Kwong. Et même si le coût de la vie reste inférieur à celui de la plupart des autres provinces, les loyers sont beaucoup plus élevés qu’il y a cinq ou six ans, ce qui a des conséquences préjudiciables pour les Albertains qui vivent ici depuis plusieurs années. »

Hors de prix

Les Albertains sont confrontés à l’une des croissances les plus rapides des loyers au Canada, l’appréciation des loyers étant à son plus haut niveau depuis plus de 40 ans. Le loyer moyen de la province a atteint 1 746 $ par mois en mai 2024, une hausse de 16 % comparativement à l’an dernier. Les logements de trois chambres sont une des raisons de cette poussée, les loyers ayant progressé de 21,0 % d’une année à l’autre. Malgré ce mouvement haussier récent, le loyer moyen dans la province demeure inférieur de plus de 20 % à la moyenne nationale, qui s’établit à 2 150 $.

À Calgary, le loyer moyen a atteint 2 089 $, soit 9,0 % de plus que l’an dernier, tandis qu’à Edmonton, il a augmenté de 13,0 % pour s’établir à 1 514 $ (en comparaison, le loyer moyen à Vancouver est de 2 982 $ et à Toronto de 2 757 $). Le taux d’inoccupation moyen de l’Alberta a chuté à 2,0 % à la fin de 2023, selon la SCHL; celui de Calgary est tombé à 1,4 %, tandis que celui d’Edmonton a diminué à 2,4 %.

« Les loyers ont considérablement grimpé, note Dave Young, directeur général de CBRE Edmonton. Mais nous sommes encore loin des loyers de Toronto et de Vancouver. »

Les villes passent à l’action

Les autorités locales s’efforcent de faire face aux pressions supplémentaires exercées par le boom migratoire. Le conseil municipal de Calgary a récemment approuvé un rezonage complet pour accroître la densité, notamment avec la construction de duplex, de maisons de ville et de maisons en rangée. Edmonton a adopté une disposition similaire à la fin de 2023, révisant son règlement de zonage pour la première fois depuis les années 60.

Dans ces deux villes, les propriétaires sont préoccupés par les conséquences potentielles d’un développement à haute densité sur l’architecture de leurs quartiers et la valeur de leurs propriétés. Certains expriment une crainte de l’embourgeoisement*, arguant que l’augmentation de la densité pourrait remplacer les logements plus anciens et plus abordables par des propriétés plus coûteuses. Cependant, le syndrome du « ni ici, ni ailleurs » n’est pas le seul obstacle à surmonter.

« Ces changements permettront de renforcer la densité et la construction intercalaire, mais je crains que cela ne force le promoteur à se développer dans des zones où la demande n’est pas aussi forte », indique Dave Young.

Les nouveaux aménagements favorisent le développement dans les zones urbaines, bien que la demande des locataires soit généralement plus élevée dans les zones suburbaines. Selon Thomas Chibri de CBRE Edmonton, « nos centres d’emploi et d’enseignement postsecondaire en banlieue sont d’importants moteurs de l’économie locale. Les gens préfèrent vivre près de leur lieu de travail. Si nous n’autorisons pas le développement des banlieues, ils chercheront à s’installer ailleurs ».

Une autre conséquence imprévue du développement des zones intercalaires est le manque de capacité d’infrastructure que les promoteurs peuvent rencontrer dans certaines zones. Les infrastructures existantes pour l’eau, l’assainissement, le drainage et l’électricité peuvent ne pas être suffisantes pour soutenir des développements à haute densité. Cela peut entraîner des coûts supplémentaires pour les promoteurs.

Greg Kwong avertit qu’une pénurie de travailleurs qualifiés pourrait menacer l’industrie de la construction en Alberta, qui souffre d’un manque de main-d’œuvre pouvant atteindre jusqu’à 20 %. De plus, l’immigration ne semble pas apporter de solution pérenne; seulement 2 % des nouveaux immigrants au Canada travaillent dans la construction et les métiers spécialisés, une baisse par rapport aux 4 % précédents. « Il ne manque pas de volonté pour construire davantage de logements. Nous avons besoin d’augmenter l’offre dès maintenant. Cependant, la hausse des coûts, les retards et les pénuries de main-d’œuvre à travers la province entravent cette construction. »

quote-card-dave-young-alberta-housing-fr

Retombées positives pour le commerce de détail

« L’augmentation de la population en Alberta a présenté des défis, mais l’afflux de nouveaux résidents a été une véritable bénédiction pour le secteur du commerce de détail de la province, affirme Greg Kwong. Les centres commerciaux associés aux supermarchés sont en plein essor et les restaurants dans toute la ville de Calgary connaissent une grande affluence. »

Il prévoit une forte croissance pour le commerce de détail dans la province, car les nouveaux résidents auront besoin de lieux pour faire leurs courses et manger. Il est également optimiste quant à l’avenir des secteurs industriels et logistiques. « Même en période de ralentissement économique, l’entretien et la réparation de l’équipement qui soutient notre économie restent essentiels. Cela place Edmonton dans une position stable pour continuer à générer des emplois à l’avenir. »

La province profite d’une croissance économique due à l’afflux de jeunes travailleurs, en particulier ceux dotés de compétences technologiques. Cette situation contribue à diversifier l’économie. Cependant, il est essentiel de fournir un logement adéquat à tous ces nouveaux arrivants pour assurer un succès durable. « Nous devons stimuler la disponibilité des logements en réduisant les coûts pour les promoteurs, précise Thomas Chibri. Que ce soit par le biais de crédits d’impôt, de la limitation des hausses du taux d’imposition ou de l’offre de subventions et de mesures incitatives, nous devons trouver des façons de stimuler l’offre tout en rendant le logement plus accessible. »

Dave Young pense que l’Alberta peut maintenir son taux de croissance actuel à long terme, « notre population est jeune, éduquée et en pleine croissance. Il y a une abondance d’emplois et notre économie devient de plus en plus diversifiée. Il y a très peu de choses que l’Alberta ne peut pas accomplir si nous y mettons du nôtre. Cependant, la pénurie de logements abordables pourrait menacer cet avantage si nous ne relevons pas ce défi immédiatement. Comme nous pouvons le voir ailleurs au Canada, il n’y a pas de temps à perdre ».

Perspectives connexes

Restez à l’affût

Joignez-vous à la cohorte de professionnels du secteur qui reçoivent nos dernières nouvelles par courriel.