Chapitre 6
Industriel
Perspectives sur le marché de l’immobilier au Canada - 2025
Le secteur industriel est confronté à des défis. Face au ralentissement de la demande et à l’afflux de nouvelle offre, le marché poursuit sa normalisation, qui pourrait intervenir plus tôt que prévu.
Les tendances à surveiller
- La faiblesse de la demande continuera de peser sur le marché industriel, mais les fondamentaux laissent entrevoir un possible redressement dès mi-2025.
- La nouvelle offre reste le principal facteur défavorable, avec des livraisons record coïncidant avec l’essoufflement de la demande. Les projets préloués devraient mieux résister en 2025.
- Les loyers, désormais orientés à la baisse, devraient poursuivre cette tendance en 2025, sans reprise attendue avant l’absorption de l’offre excédentaire récente.

Vers un retour à l’absorption nette positive
Le marché industriel canadien traverse une zone de turbulences après une période exceptionnelle d’expansion et de contraction. Le ralentissement de la demande et l’afflux de nouvelles offres ont entraîné une hausse de la disponibilité comparable à celle de la crise financière de 2008. Le contexte actuel est toutefois très différent : en 2008-2009, les difficultés macroéconomiques et structurelles avaient provoqué des pertes dans le secteur manufacturier et le départ d’entreprises du Canada, aboutissant à une absorption nette négative de plus de 20 millions pi² en un an. Aujourd’hui, nous n’avons connu qu’un seul trimestre significatif d’absorption nette négative.
La situation actuelle reflète plutôt la surcapacité des entreprises logistiques externalisées (3PL) et des détaillants qui, portés par l’essor rapide du commerce électronique, ont surinvesti en anticipation de la demande future sur la période 2020-2023, avant de marquer une pause. Ces acteurs constatent aujourd’hui soit qu’ils disposent déjà des capacités nécessaires, soit qu’ils doivent se délester d’espaces excédentaires acquis pendant cette phase d’expansion.
La demande persiste néanmoins, avec des variations régionales. Le secteur agroalimentaire et les centres de données restent dynamiques à l’échelle nationale; l’Ontario voit émerger des projets d’usines automobiles et de véhicules électriques; et en Alberta, la vigueur économique stimule la demande locale. Cette reprise sectorielle ne suffit cependant pas à compenser le recul global des détaillants et des 3PL.
Les échanges avec les clients suggèrent qu’un retour à une demande soutenue pourrait prendre un à deux ans. Toutefois, les économètres de CBRE aux États-Unis, se basant sur les modèles historiques et les perspectives économiques canadiennes, envisagent une reprise dès mi-2025. Plusieurs facteurs étayent cette analyse : malgré les restrictions migratoires annoncées, le Canada conservera l’une des plus fortes croissances du G7 en matière de démographie, de PIB et d’emploi. Ces éléments stimuleront la demande de locaux logistiques. De plus, la baisse des taux directeurs facilitera le financement des projets d’expansion, redynamisant le marché.
Le marché est passé d’une situation tendue à un équilibre plus sain offrant davantage d’options aux occupants. Les transactions se poursuivront en 2025, mais nécessiteront des délais plus longs dans ce contexte d’offre élargie.
La pression de l’offre spéculative
La situation actuelle relève davantage d’un déséquilibre de l’offre, qui continuera de peser sur le marché. La hausse rapide de la disponibilité s’explique par des livraisons record dans un contexte de forte contraction de la demande. Le recul de la prélocation en est l’illustration parfaite, avec seulement un tiers des biens en chantier actuellement engagées. En conséquence, les mises en chantier ont ralenti, et 2025 devrait voir encore moins de livraisons qu’en 2024, avec une estimation de 25 millions pi².
Le carnet de commandes restant est largement dominé par des projets spéculatifs, représentant plus de 70 % des constructions en cours. Ces grandes surfaces brutes, principalement adaptées aux 3PL, ne répondent pas toujours aux besoins des utilisateurs actuels. Ces derniers privilégient des engagements à long terme justifiant des investissements en personnalisation (hauteur sous plafond, puissance électrique, automatisation).
Les projets préloués devraient mieux se porter en 2025, tandis que d’autres risquent d’être suspendus ou limités aux fondations dans l’attente de preneurs. Si certains estiment que trop de bâtiments ont été construits alors que la demande fléchissait, le marché pourrait rapidement faire face à une pénurie en cas de reprise soudaine, particulièrement dans les villes aux délais de livraison allongés.
À la recherche d’un plancher pour les loyers
2025 devrait marquer la recherche d’un plancher et d’une normalisation accrue du marché industriel. Les loyers proposés, qui s’éloignent déjà des plus hauts, constituent un indicateur clé : 2024 sera la première année de baisse nationale, même modérée. Si un retour aux niveaux d’il y a trois ans semble improbable, la hausse de la disponibilité pourrait encore tirer les loyers vers le bas.
Les bailleurs adoptent différentes stratégies, entre baisse des loyers de base et mesures incitatives, principalement sous forme de loyers gratuits. Les ajustements toucheront d’abord les biens en zones secondaires ou peu visités. Les zones industrielles centrales, toujours recherchées, devraient mieux résister.
La reprise des loyers n’est pas attendue avant l’absorption de l’offre excédentaire récente. Historiquement, un taux de disponibilité inférieur à 4,0 % est nécessaire pour relancer la croissance des loyers. D’ici là, le marché poursuivra sa trajectoire actuelle de normalisation progressive.