Chapitre 5
Commerce de détail
Perspectives sur le marché de l’immobilier au Canada - 2025
À l’aube de la nouvelle année, les détaillants demeurent optimistes, mais les facteurs qui influencent le marché continueront de renforcer les tendances actuelles et d’accélérer les mutations du secteur. Dans le contexte concurrentiel d’aujourd’hui, plus que jamais, la capacité d’anticipation et la résilience seront les clés du succès.
Les tendances à surveiller
- La pénurie de locaux commerciaux devrait persister et transformer le modèle traditionnel des points de vente au Canada. Les détaillants adopteront une approche plus stratégique, soit en s’implantant sur des marchés secondaires, soit en adaptant la superficie de leurs magasins.
- Les perspectives pour 2025 restent favorables, mais nous observons un retour à des taux de croissance plus modérés après les années marquées par la pandémie et une forte expansion. Les détaillants qui misent sur leurs atouts, proposent des expériences innovantes ou développent le volet divertissement continueront de prospérer durant cette période.
- Pour maintenir leur pertinence dans l’année à venir, les détaillants devront diversifier leurs points de contact avec les consommateurs et leurs modes de distribution. La multiplication des canaux de vente, même si elle sert principalement l’image de marque, peut contribuer significativement à la génération de revenus.

Les répercussions de la pénurie d’espaces commerciaux
Ces dernières années, le ralentissement des nouvelles constructions a engendré une pénurie de locaux commerciaux au Canada, caractérisée par une faible disponibilité et une hausse des loyers, particulièrement pour les locaux permanents. Contrairement à d’autres secteurs immobiliers, c’est l’augmentation des coûts de construction, et non la demande, qui constitue le principal frein à l’aménagement. Cette tendance devrait se maintenir en 2025, avec une forte demande qui continuera d’exercer une pression sur la disponibilité et les loyers, même si la croissance devrait suivre un rythme plus soutenable.
Les projets d’envergure, à l’image de Royalmount récemment inauguré à Montréal, sont devenus rares. D’ailleurs, aucun centre commercial couvert n’avait été construit au Canada depuis plusieurs décennies. Le succès de ce projet, fortement loué dès son ouverture, démontre la vigueur de la demande et le potentiel pour d’autres projets majeurs. Cependant, la superficie moyenne des projets en cours ne dépasse pas 35 000 pi², une réduction de 50 % par rapport à il y a trois ans. Cette évolution vers des formats plus modestes, principalement dans des ensembles à usage mixte avec des commerces en rez-de-chaussée, redéfinira le modèle type du commerce de détail dans les années à venir.
L’activité commerciale s’est étendue aux emplacements de second rang, où les taux d’inoccupation ont diminué. Cette tendance devrait se poursuivre, les détaillants élargissant leur présence géographique, soit en investissant les marchés secondaires, soit en s’étendant vers le sud des États-Unis. À l’échelle nationale, un nombre croissant d’enseignes adaptent le format de leurs magasins : Loblaws déploie actuellement des No Frills de taille réduite, tandis que Sephora a inauguré son plus petit point de vente à ce jour dans le complexe The Well. Dans l’environnement concurrentiel actuel, la capacité d’anticipation et la résilience sont plus que jamais les clés de la réussite.
Les détaillants tirent profit de leur succès
Les niveaux records d’immigration et de croissance démographique ont dopé le secteur qui, conjugués à l’inflation et aux taux d’intérêt élevés, ont généré une croissance exceptionnelle, particulièrement dans les segments des produits essentiels et à bas prix. Toutefois, la donne change avec l’annonce récente par le gouvernement canadien d’une réduction des objectifs d’immigration. L’année prochaine pourrait donc s’avérer délicate pour les détaillants, d’autant plus si une éventuelle récession venait freiner les dépenses de consommation. La croissance devrait se poursuivre, mais à un rythme plus modéré.
Dans ce contexte, les consommateurs resteront prudents et les budgets des ménages contraints en 2025. Les enseignes au rabais et les commerces de seconde main, y compris les boutiques d’occasion et de dépôt-vente, conserveront donc leur attractivité. La chaîne Village des valeurs a même poussé plus loin sa réussite en créant des boutiques sous sa propre marque. Selon Trendex, les économies réalisées constituent la principale motivation d’achat de vêtements d’occasion, première catégorie de produits dans les commerces spécialisés, suivie par les livres et les meubles.
Le secteur du divertissement, en plein essor ces 12 derniers mois, devrait poursuivre sa progression en 2025. Ces exploitants ont démontré leur capacité à attirer les consommateurs et, à l’instar des commerces de première nécessité, peuvent stimuler la performance des centres commerciaux. Le secteur de la beauté joue un rôle similaire, étant désormais considéré comme un besoin quotidien. L’arrivée de nouveaux acteurs et les acquisitions de marques devraient soutenir la croissance continue de ce segment.
Comme on l’a déjà observé, les détaillants positionnés sur le segment intermédiaire ou en difficulté, qui ne proposent pas d’offre différenciante, devraient se retirer du marché. Les faillites et fermetures à venir ne seront pas perçues comme nuisibles ni comme un indicateur de la mauvaise santé du marché. Au contraire, nous avons constaté que les ouvertures dépassent les fermetures, les locaux bien situés trouvant rapidement preneurs, parfois même avant le départ du locataire sortant.
Les stratégies de conquête des parts de marché
En ce début d’année, malgré un climat des affaires favorable, les craintes de récession influenceront les décisions tant des détaillants que des consommateurs. Si les modèles commerciaux éprouvés restent privilégiés, l’évolution des comportements des consommateurs constituera un défi majeur. Selon Forrester, 74 % des détaillants anticipent des difficultés à répondre aux attentes des consommateurs en 2025.
Les Canadiens restent particulièrement fidèles aux marques familières. D’après EY, la proportion de clients prêts à payer davantage pour une marque de confiance a sensiblement augmenté depuis 2023. Toutefois, cette tendance pourrait s’infléchir au profit de la recherche de bonnes affaires. Une étude AIR MILES révèle que 82 % des personnes interrogées privilégient les enseignes proposant un programme de fidélité, et 66 % adaptent leurs habitudes d’achat pour maximiser leurs points. Le lancement ou le renforcement des programmes de fidélisation pourrait donc s’avérer déterminant pour attirer et fidéliser la clientèle.
Par ailleurs, selon le rapport Perspectives du commerce de détail pour les fêtes 2024 de Deloitte, un nombre croissant de consommateurs, particulièrement dans la tranche d’âge 18-34 ans, sont enclins à acheter directement sur les réseaux sociaux comme Instagram et TikTok. Cette tendance est corroborée par le rapport Cap sur l’avenir : Une étude sur les stratégies de vente et les défis des PME canadiennes du secteur du commerce de détail du Conseil canadien du commerce de détail. Ce dernier souligne que les autres canaux de vente contribuent sensiblement au chiffre d’affaires, même si certains servent encore principalement à renforcer l’image de marque plutôt qu’à générer des ventes directes. L’étude révèle également que plus les entreprises diversifient leurs canaux de vente, plus elles sont optimistes quant à leurs perspectives commerciales. Pour maintenir leur compétitivité dans l’année à venir, les détaillants devront probablement multiplier leurs points de contact avec les consommateurs.